Actualités de la galerie

In "Le regard qui brûle"
Manoir de Kerlaouen, Lesneven
À rebours d'une approche fondée sur l'image fixe, Hanako Murakami (1984, Tokyo, Japon) interroge la photographie moins comme une technique que comme une manière de voir. Elle explore des situations où le regard ne se contente plus de percevoir : il agit, altère, déplace.
Les œuvres rassemblées ici ont en commun une même tension : elles mettent l'accent sur des formes alternatives de génération d'images - des moyens de faire surgir le visible, fondamentalement différents des procédés connus, qu'ils soient industriels ou commerciaux. En déconstruisant les cadres conventionnels de la photographie, Murakami esquisse une réinvention du médium, entre spéculation, science et élan sensible.
Avec Imaginary Landscapes, des matériaux photosensibles anciens, jamais utilisés depuis leur fabrication au début du XXe siècle, réagissent au contact du révélateur. Les images qui en surgissent ne représentent plus le monde : elles le transforment en formes autonomes, à la frontière de l'abstraction picturale et d'une vision intérieure.
Dans Possibles (Thermographie), la chaleur des objets - et non la lumière - devient matrice de l'image. Réactivant un procédé imaginé au XIXe siècle mais rapidement abandonné, Murakami esquisse ici une photographie qui n'a jamais eu lieu, mais aurait pu exister.
D'autres œuvres explorent les puissances transformatrices du regard lui-même. Dans la vidéo Burning Gaze, une succession d'extraits cinématographiques compose une mythologie visuelle contemporaine où le regard agit comme une force brûlante, traversée de fiction. Dans Exposure, un microscope électronique révèle en direct les effets de la lumière sur une surface sensible : le regard y imprime littéralement sa trace, comme une brûlure optique irréversible. Tandis que Le regard devient geste renverse l'idée d'un regard passif : grâce à un dispositif de suivi oculaire, un simple gobelet posé sur une table se met à bouger - actionné par les yeux de celui qui le regarde. Voir devient faire.
En réactivant des techniques oubliées ou en inventant de nouvelles interactions à l'aide de dispositifs numériques de pointe, Hanako Murakami ne se livre pas à une archéologie nostalgique du médium. Elle réinvente la photographie comme geste, comme spéculation, comme puissance sensible, comme manière d'entrer en contact avec le réel - par une poésie insoupçonnée, capable d'ouvrir un champ de possibles du visible.