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Paraboles

Jean-Kenta Gauthier | Vaugirard

5 février 2022 - 26 mars 2022

Jean-Kenta Gauthier Vaugirard
4, rue de la Procession 75015 Paris

Horaires: mercredi - samedi, 14h - 19h

Jeudi 17 mars à 18h: conversation entre Raphaël Dallaporta et Jean-Kenta Gauthier (RSVP à info@jeankentagauthier.com)


« […] le monde, non plus comme un parcours sans cesse à refaire, non pas comme une course sans fin, un défi sans cesse à relever, […] mais comme retrouvaille […] d’une géographie dont nous avons oublié que nous sommes les auteurs. »

(Georges Perec, in Espèces d’espaces, 1974)


    
Raphaël Dallaporta interroge à travers diverses techniques et protocoles les liens entre le progrès et notre évolution, les mouvements du monde et la place que nous occupons dans ce dernier. L’exposition Raphaël Dallaporta, Paraboles, présentée à la galerie Jean-Kenta Gauthier / Vaugirard du 5 février au 26 mars 2022, abrite un ensemble d’œuvres nouvelles, photographiques et picturales, au travers desquelles l’artiste esquisse des paraboles de l’évolution du monde et des trajectoires du progrès.

Les sept œuvres de la série Astrarium (2020) constituent une métaphore du caractère non linéaire de l’avancée du progrès. Chaque photographie résulte de la mise en mouvement d’un cadran de l’Astrarium, la plus ancienne horloge connue dans l’histoire, réalisée au Moyen Âge par Giovanni Dondi et qui disparut à la Renaissance. Cet instrument relevait l’exploit, en matérialisant le système géocentrique, de calculer les positions à tout moment de l’année des sept grands astres alors connus de la science. Au milieu des années 1980, le Musée International d'Horlogerie (MIH, La Chaux-de-Fonds, Suisse) parvenait à reproduire l’horloge grâce au manuscrit original de Dondi préservé depuis six siècles à Padoue. En créant des images en mouvement de cette horloge considérée en son temps comme une merveille du monde, Raphaël Dallaporta en réalise une nouvelle représentation.

Collaborant avec Masaki Kanazawa, restaurateur du MIH, l’artiste a manifesté en photographie le mouvement de chaque cadran de l’Astrarium à l’aide d’une source lumineuse et des longs temps de pose. La lumière forme ainsi des boucles qui reviennent sur leur course tout en se déployant; les planètes semblent reculer pour mieux avancer, un phénomène dit de rétrogradation qui constitue pour l’artiste une métaphore de la course non linéaire du progrès, à l’instar de ce qu’écrivait le philosophe et historien Ernest Renan dans L’Avenir de la science (1890): « Le véritable progrès semble parfois un recul et puis un retour. Les rétrogradations de l'humanité sont comme celles des planètes. Vues de la terre, ce sont des rétrogradations ; mais absolument ce n'en sont pas. La rétrogradation n'a lieu qu'aux yeux qui n'envisagent qu'une portion limitée de la courbe. »

Astrarium s’articule dans l’exposition avec Parcours (2022), un grand dégradé au pastel qui évolue du bleu au jaune pâle et qui fait référence au modèle scientifique montrant l’évolution de la température de l’univers. Cette théorie découle de l’hypothèse selon laquelle l’univers devait en moyenne apparaître bleu à sa naissance, la tendance au réchauffement des galaxies ayant par la suite fait virer cette teinte vers des couleurs plus chaudes. La couleur actuelle, qui s’apparente à un  jaune pâle, a officiellement été baptisée « cosmic latte » par les astronomes de l’université John Hopkins. Le vaste dégradé de Raphaël Dallaporta, se référant à cette théorie de la couleur moyenne de l’univers, constitue ainsi une frise chronologique, tout aussi totale dans son ambition qu’approximative par son exécution manuelle, qui embrasse tout l’univers sur 20 milliards d’années.

Dans Parcours, le présent et toute la période de l’humanité, qui en toute logique ne dépasserait pas l’épaisseur d’un cheveu, sont incarnés par la photographie du Concorde en feu lors de son décollage le 25 juillet 2000, quelques secondes avant sa chute tragique près de l’aéroport Charles de Gaulle. Cet événement signera la fin de la course au vol civil supersonique. Depuis ses premiers pas, l’homme est parvenu à se mouvoir à Mach 2 jusqu’à cet accident depuis lequel deux décennies se sont écoulées sans nouvelle accélération. Cet événement unique et datable à la seconde près pourrait figurer le point de retour d’une courbe de rétrogradation dans l’histoire de la vitesse.
    
Astrarium et Parcours évoquent, selon des échelles temporelles variables, la course non linéaire du progrès dans notre histoire. Ces œuvres de Raphaël Dallaporta sont un enseignement; elles renvoient à nos propres trajectoires et constituent des paraboles contemporaines.


(Jean-Kenta Gauthier, janvier 2022)



Les sept œuvres de la série Astrarium (2020) ont été présentées en 2020 dans l’exposition Raphaël Dallaporta, Mouvements du monde organisée au Musée du Temps de Besançon, dans le cadre de Transmissions. L'Immatériel photographié, en partenariat avec le Musée International d'Horlogerie de La Chaux-de-Fonds.

Communiqué de presse

Liste des oeuvres